Flipote, c’était ma Mamie, Françoise Giojuzza. Elle
écrivait des poèmes pour son plaisir, qu’elle publiait les dernières
années de sa vie sur un site communautaire de poésie qu’elle avait
découvert, Ice Tea & Fluminis poèmes.
Au fil du temps, elle s’était fait des amis sur ce site, des amis
proches, avec qui elle échangeait sur la poésie et plein d’autres
sujets.
Quelques mois après sa mort, j’ai entrepris d’éditer ses poèmes sur un
nouveau site, afin d’avoir une typographie plus claire, et de
supprimer les poèmes en double et ceux dont elle n’était pas l’auteur
— mais qu’elle récitait de mémoire à l’attention de ses amis
d’Internet — tout en laissant intacts les poèmes originaux sur le
forum. Voici l’intégralité de sa prolifique production connue.
Sans peur je balance en ligne
Mes mots de mamie indigne.
Bien pis ! je persiste et signe.
Mille neuf cent soixante
Paris
Ell’ portait une bague en jade,
Si belle, par dessus son gant…
Ell’ n’était pas du genre crade,
Style Gréco et Boris Vian…
Moi je la croisais bien souvent,
J’aimais son air de grand’ d’Espagne,
Et j’m’imaginais des romans…
Mon esprit battait la campagne…
À l’heure où sonnait l’angélus,
Retrouvée, baignant dans son sang,
Sur un trottoir d’la rue Picpus !
Près du cim’tière des Innocents.
Les tenants, les aboutissants,
Échappèrent à la justice,
L’affair’ fut classée vitement,
Et messe dite à Saint Sulpice.
Dans cette Cité hypocrite,
Certains mystères, on les évite.
Dans le boudoir de la baronne,
On chantait « le chant de Craonne »
Enterre nos copains anarchistes
Et grands rapins du genre artistes
Dans la chambre de la comtesse
On pouvait s’caresser la fesse
Et aussi où il ne faut pas
Ca ne choquait mêm’ pas le chat
Dans le fumoir de la marquise
La liberté était exquise
Chacun faisait sa fantaisie
La marquise en riait, ma mie
Dans le salon de la margrave
À vingt ans, me fit son esclave
Au point d’lui rattacher ses bas
Quand elle avait pris ses ébats
Dans la véranda de Corinne
Nous croquions noix et mandarine
Tout en sifflant une chopine
Tout en courtisant sa cousine
Ah ! jeunesse ah ! ma jeunesse
Que ne puis-je y retourner
Tu as passé en tell’ vitesse
Où sont donc ces folles années
Sur un petit air dix huitième siècle
Sonne, sonne, sonne, douce clarinette
Et toi, rends-moi ton chant, mon cher vieux piano
Car en fermant les yeux, j’entends cette Ariette
Qui berça si longtemps nos deux cœurs, en duo
Où pourrais-je trouver sans trop de lassitude
Les heures flamboyantes des radieux midis
Si loin ses cruels jours, hélas ! que nul n’élude
Et les anciens parfums des étés évanouis.
Je ne veux plus voir
Là, sur le trottoir
Ici, dans le noir
Non ! plus voir la forme
D’un homme qui dorme !
Hiver, comme été
Ça s’rait trop d’mander
À ce monde inique, à c’te société
Quand tant de salauds s’en mett’ plein les poches
À gauche ou à droite, ces faucheurs de blé
Cahuzac, Tapie et le libanais grand copain d’Coppé
Indécents parfaits, sombres abrutis
Aux mains vraiment croches
Aux gros appétits
Mon Dieu ! que ça pue ! mon Dieu que c’est moche !
Mais pas par l’aumône ! ! ce s’rait trop facile :
S’donner bonne conscience par un petit geste
Dis moi c’que t’en penses, mon p’tit frangin Zeste ?
Ce doit être un droit
Ce doit être une loi
Mêm’ si ça défrise tous les bourgeois
J’voudrais voir ça arriver
Oui ! j’voudrais voir ça
Avant d’m’en aller
Aux chemins du ciel
Vive Louis’Michel
Et dans les faubourgs
Rosa Luxembourg
Et toutes les filles
Pas de la gambille
Mais d’la commun’de Paris
Sa pièce « Anthony » se termine par ce vers :
« Elle me résistait, je l’ai assassinée ! »
Petite histoire amusante :
La grande comédienne Rachel restait donc gisante sur le sol de la scène en attendant que son partenaire éclipsé dans les coulisses revienne pour l’aider à saluer.
Ce jour là, le comédien, sans doute victime d’une envie pressante, n’en finissait pas de revenir.
Le public s’impatientait, alors Rachel se releva et, les bras écartés, d’un geste fataliste :
« Je lui résistais, il m’a assassinée »
Tonnerre d’applaudissements
Un Monsieur noble et un peu « pincé » s’adressait à lui pour le « snober » :
« Ah cher Monsieur Dumas, vous êtes quarteron il parait ? »
Réponse de Dumas :
« Ah mais oui mon cher comte, et mon père est métis. Sa mère était noire et son aïeul était un singe. Voyez-vous, ma famille commence là où aboutit la vôtre ! »
Je vous ai si longtemps aimée,
Belle dame que je révère
Toute ma vie fut parfumée
De votre odeur suave et légère,
Vos yeux m’ont fait boire un breuvage
Qui, pour toujours, m’a ennivré
Mon soleil fut votre visage
Ah ! vos fins doigts, sous mes baisers !
Baiser très sage, très discret
Qui ne sut pas vous révéler
L’amour ardent, l’amour secret
Qui, soixante ans, me fit brûler !,
Je n’avais pas le don de plaire
Encore moins de vous parler,
Mais, voyez vous, qu’y peut-on faire ?
Oui, vous m’avez beaucoup donné,
Près de vous, c’était l’euphorie
Belle, que toujours, je suivais,
Vos mots charmants, je les buvais
Vous, l’étoile éclairant ma vie !
« Grâce à vous une robe a passé dans ma vie »