Flipote, c’était ma Mamie, Françoise Giojuzza. Elle
écrivait des poèmes pour son plaisir, qu’elle publiait les dernières
années de sa vie sur un site communautaire de poésie qu’elle avait
découvert, Ice Tea & Fluminis poèmes.
Au fil du temps, elle s’était fait des amis sur ce site, des amis
proches, avec qui elle échangeait sur la poésie et plein d’autres
sujets.
Quelques mois après sa mort, j’ai entrepris d’éditer ses poèmes sur un
nouveau site, afin d’avoir une typographie plus claire, et de
supprimer les poèmes en double et ceux dont elle n’était pas l’auteur
— mais qu’elle récitait de mémoire à l’attention de ses amis
d’Internet — tout en laissant intacts les poèmes originaux sur le
forum. Voici l’intégralité de sa prolifique production connue.

Sans peur je balance en ligne
Mes mots de mamie indigne.
Bien pis ! je persiste et signe.
Ayant mis leurs âmes nettes,
Et leurs plus propres habits,
Ce dimanche, les nonnettes
Sont allées à la mairie,
Et avec un cœur tremblant,
Et avec un cœur qui bouge,
Elles ont renié les blancs,
Ell’z ont voté pour les rouges.
Essai d’écriture médiévale
Braves garçons tués en guerre
Qui dormez là votre sommeil
Tant regrettant le clair soleil
Tout droits couchés sous cette terre
Étiez galants, bien godelus
Souriant à maintes fillettes
Las ! Las ! Vous voici sous l’herbette
Sans oreille et n’y voyant plus
Pourtant, meilleur est le partage
De celui gui passe en sa fleur
Plus ne connaît maux ni douleurs
Ni plus jamais ne change d’âge
Passent les jours, vienne le temps
De la vieillesse et ses outrages
Vous garderez jeunes visages
Pour toujours en votre printemps
Savez-vous bien que chantent
Les sables du Sahel
Mélodie envoûtante
Voix d’ange Gabriel
Bercent nuit africaine
D’accents beaux et étranges
Les dam’ sud marocaines
Disent : « la voix des anges » !
D’ange ou d’esprit fâcheux
Grand tourmenteur des hommes
Ou peut-être de « dieux »
Jaloux de c’que nous sommes
Dormez ! gens de là-bas :
Il n’y a rien de sévère !
Les grands savants d’Rabat
Connaissent ce mystère !
Lune bleue, lune de miel
Où grouillent poissons bleu-argent
Lune, tu es reine du Ciel
Petite sœur de ton amant
Jouant à : « suis-moi donc ; cher cœur !
Donne-moi toute ta lumière
Sois bien tendre envers ta jeun’ sœur ! »
Mon bel amour, mon brûlant frère
Dame de cœur, lune de gel
Lune, tu traînes dans la nuit
Lune, tu roules dans le Ciel
Et quand on marche, tu nous suis
Lune qui parfois diminue
Grignotée par un dieu pervers
À quoi joues tu donc dans la nue
Ta face cachée à l’envers ?
Mais taisez-vous ! gars de la rue
Voyez donc, là-bas, dans l’espace
C’est une grue ! c’est une grue !
Arrivée du Japon, qui passe
Elle bat noblement des ailes
Devant la Lune et la séduit
Voyez, voyez comme elle est belle
Silencieuse, dans la nuit
Charme-nous ; ô lune bleue
Ton éclat passe celui des dieux.
Par chez nous, on dit :
Il ne tarde que d’arriver !
Mêm’ si le changement d’heure
Perturbe un peu mon bonheur
Les forsythias explosent
Le jardin est de miel
Quatre narcisses éclosent
Charmés de voir le Ciel
La terre est en amour ;
Son odeur la trahit,
Travaille tout le jour,
Nourrissant l’arbre à fruit…
Cette fois, c’est son tour !
Il rôde en ce séjour
Printemps ! arrive vite !
Les oiseaux ont la frite !