Flipote

Flipote, c’était ma Mamie, Françoise Giojuzza. Elle écrivait des poèmes pour son plaisir, qu’elle publiait les dernières années de sa vie sur un site communautaire de poésie qu’elle avait découvert, Ice Tea & Fluminis poèmes. Au fil du temps, elle s’était fait des amis sur ce site, des amis proches, avec qui elle échangeait sur la poésie et plein d’autres sujets.

Quelques mois après sa mort, j’ai entrepris d’éditer ses poèmes sur un nouveau site, afin d’avoir une typographie plus claire, et de supprimer les poèmes en double et ceux dont elle n’était pas l’auteur — mais qu’elle récitait de mémoire à l’attention de ses amis d’Internet — tout en laissant intacts les poèmes originaux sur le forum. Voici l’intégralité de sa prolifique production connue.


Toile représentant Françoise Giojuzza, alias Flipote. On peut lirela signature de l’auteur : Jean Dreux, 1976

Sans peur je balance en ligne
Mes mots de mamie indigne.
Bien pis ! je persiste et signe.

Pour rigoler un coup

Mots d’excuses

Escuser moi pour l’absence de Kévin pour samedi, mais en ce moment ses vraiment le bordel à la maison et en plus, il fallait faire les courses

Johny n’était pas là samedi matin : c’est bien beau de faire des réformes mais on ferait mieux de s’ataquer au problème du samedi matin qui emmerde tout le monde En plus, il n’y a pas classe tout les samedi : moi j’y comprend rien ce mot est valable pour toute l’année

Monsieur, je m’escuse pour le retard de Tony, mais, on a fait la fête hier, pour la victoire de l’O M vous qui aimez le foot, vous devez bien comprendre comme même ! Sur ce bon courage pour se matin moi je retourne me coucher

Justine a fait tomber son cahier dans les toilettes merci de votre compréhension

Monsieur, vous sanctionner mon fils, très bien, mais me prenez pas que pour un idiot : J’ai été à l’école tout comme vous ! je connais comment ça marche : vous êtes comme tout le monde : punissez un peu les autres quoi ! avec tout le respet que je vous doigt quand même !

Pour rigoler un coup

Histoires vécues, grandes dames et leurs domestiques.

Madame de Rdiaquemortemart n’était pas très religieuse, cependant elle laissait l’évêque venir la visiter au château. Un jour qu’il était dans son salon, assis près d’elle à la solliciter comme toujours pour ses œuvres, voilà qu’il décède d’une crise cardiaque ! Horrifiée, relin drelin ! elle sonne et crie au majordome qui arrive : « Enl’vez-moi c’t évêque ! »

Madame Lévi Strauss, parisienne mondaine mais très cultivée, tenait une sorte de salon littéraire avec toute une compagnie de romanciers et de poètes. Une fin de matinée, le majordome arrive pour demander à cette grande dame ce qu’il doit prévoir pour le déjeuner. Très impatientée, elle lui crie : « D’la merde ! » devant témoins. Très grand seigneur, celui-ci lui répond avec dignité : « Voilà qui va bien pour les maîtres, Madame, mais pour les domestiques ? »

Cette même dame se trouvait dans l’embarras dans son salon où elle cherchait en vain un coffret qui lui était précieux. Son mari intervient en disant : « Appelez donc vos gens, Madame, voyons ! »

  • Mais j’ai appelé, mon cher, j’ai appelé, la preuve, c’est que personne ne vient !

Pour sauter à la corde

Comptine pour sauter à la corde des petites filles chez les sœurs ursulines.

« À la une, à la deusse, à la troisse ! »
En balançant une grande corde tenue par deux filles, l’une à droite, l’autre à gauche, une troisième saute dans la corde qui tourne.

Le corps glorieux
Sort du corps charnel
Comm’ du grain terreux
Bel épi de miel

Et tout s’accomplit
Par un coup du Père
Et tout s’accomplit
Par le Saint Esprit

Sans compter le Fils
Qui jamais ne chôme
Sans compter le Fils
Qui travaille aussi !

Comme nourrisson
Aux bras de sa mère
Avec abandon
Laissons-les bien faire

C’est là leur métier
C’est là leur affaire
Laissons-nous germer
Comme blé en terre

Mais sans oublier
De leur dir’ merci ;
Il nous faut chanter
« Gratias agimus tibi ».

Pour trouver l’oiseau rare

Prière des filles de chez nous aux saints pour trouver le bon choix

Sainte Primerose
Fait’-moi le teint rose

Sainte Réparate
Foin de mes poils aux pattes !

Saint Sulpice
Je veux un front lisse !

Pourquoi ce truc ?

Je veux résider dans ta panse
Et t’empoisonner l’existence

Et sans transitions
Couper les ponts

Dite sera la messe
Point de essemmesse

Afin que jamais ne s’affadisse
Feu ardent, feu délice

Que jamais ne m’oublies
De nos vies

Pourquoi ?

Alors rassurez vous ce n’est en sommes qu’un exercice, je n’ai pas le moral en loques même si j’ai traversé une « année horrible » où nous avons accumulé les tuiles, ça va mieux !

Ah ! dites-moi, mon capitaine
Pourquoi mon cœur a tant de haine ?
J’aime la joie, non le malheur
T’attendais-tu à ça mon cœur ?

De l’hiver à la canicule
Malheur sur malheurs s’accumule
Sinistre est le chant d’la pendule
Comme fut le destin d’Hercule

Ce monde est plein de chausse-trapes
Tout semble aller, et tout dérape
Ce qui paraissait assuré
Soudain s’écroule et a glissé

Tu cours vers ton bonheur enfui
Mais le dernier soleil a lui
Ce qui était là, d’habitude
S’effondre, l’aventure est rude

Cette vie-là est interlope
Au bout du compte, franche salope
Ce qu’on croyait si bien fondé
S’effondre en un instantané

Désirez-vous le détail ?

Poème de jeunesse

En Sologne

Dans les bois mouillés
D’Mézières Lez Clery
J’vais, suivant mon nez
En bottes vernies

Foulant la bruyère
Et la feuille rousse
J’avance, légère
Où mon nez me pousse

Là, sous un gros chêne
Où fuit l’écureuil
Mon instinct m’entraîne
Siffle, mon bouvreuil

Du bolet l’odeur
Emplit ma narine
Si suave moiteur
On pense cuisine

J’écarte du pied
Les fleurs de bruyère
Voici le bébé
Et le gros pépère

C’est tout frais, tout beau
Et, le cœur en fête
Je pose mon seau
J’achève ma quête

Je cueille, en douceur
Grâce au couteau suisse
Le cèpe en moiteur
Le bel exercice !

Et déjà salive
La gourmande amie
L’om’lett’ huil’ d’olive
À l’ail au persil !
Et pour les bons becs
Les beaux cèpes avec

Poème en triangle

Toi
Ô toi !
Toi, mon vieux
Mon très cher vieux
Sommes vieilles choses !
Loin des lointaines roses
Qui fleurissaient nos jeunesses
Et, déjà, sont dites nos messes
Sûr ! nous n’irons plus danser en rond
Du côté des p’tits bals de Barbizon