Flipote, c’était ma Mamie, Françoise Giojuzza. Elle
écrivait des poèmes pour son plaisir, qu’elle publiait les dernières
années de sa vie sur un site communautaire de poésie qu’elle avait
découvert, Ice Tea & Fluminis poèmes.
Au fil du temps, elle s’était fait des amis sur ce site, des amis
proches, avec qui elle échangeait sur la poésie et plein d’autres
sujets.
Quelques mois après sa mort, j’ai entrepris d’éditer ses poèmes sur un
nouveau site, afin d’avoir une typographie plus claire, et de
supprimer les poèmes en double et ceux dont elle n’était pas l’auteur
— mais qu’elle récitait de mémoire à l’attention de ses amis
d’Internet — tout en laissant intacts les poèmes originaux sur le
forum. Voici l’intégralité de sa prolifique production connue.

Sans peur je balance en ligne
Mes mots de mamie indigne.
Bien pis ! je persiste et signe.
Dans la « rue du Roi d’Sicile »
Y eut-il jeu plus imbécile
Plus stupidement tordu,
Que le jeu de « Mère-veux-tu ? » ?
Nous avions mouillé nos bas
Pour avoir trop rigolé
Avec Lise et Salomé.
Le chien attendait en bas
Que notre partie finisse.
Loin des tours de Saint-Sulpice,
Nous avions perdu la face
Par ce beau matin si gai
Nous avions perdu la trace
De la Mort que l’on fuyait.
Par ce beau jeudi de mai.
Où s’en est allée l’enfance ?
En quel coin de notre France ?
Chez l’Indien ou chez le Kurde ?
Nous comprenions bien l’absurde
Et un rien nous faisait rire.
Y avait le charmant sourire
D’Espéranza, la maîtresse
Et y avait nos longues tresses
Et puis nos menues détresses
Si vite, vite guéries
Dans ce beau grand vieux Paris
Qu’est tout gris, tout gris, tout gris.
Minute bleue, minute grise
Lambeau de brume sur l’église
Soudain revient cette comptine
Du fond de la vie enfantine
C’est la petite Élise
Qui veut qu’on la frise
Mais son p’tit papa
Lui, ne le veut pas
Du temps du p’tit Rikiki
Et du Marsupilami
Oublions les douces années
Ceux qu’on aimait, s’en sont allés
Faisons le deuil de ce bonheur
Mais ils palpitent dans nos cœurs
Minute bleue, minute grise
Tiens ! il a neigé sur l’église
Pourquoi Dieu a-t-il fait l’Enfer ?
Et le sida et le cancer ?
Dédié à tous ceux qui en ont besoin
Plic ploc plic ploc
Plic ploc plic ploc
Plic ploc plic ploc
Plic ploc plic ploc
Plic ploc chuuuuut !
Je m’endors très tard, Maman !
Et sais-tu pourquoi ? pourquoi ?
Je n’ai pas quinze ans ! quinze ans
Jusqu’ici, je n’ose pas !
Plic ploc plic ploc
Les filles me font très peur
Les charmantes demoiselles
Qui font tant battre mon cœur !
Ces si fraîches jouvencelles !
Plic ploc plic ploc
Il me faudrait une dame
Ayant bien passé trente ans !
Car, vois-tu, la mort dans l’âme
J’renonce à être un amant
Plic ploc plic ploc
Dépuceler un’ pucelle
Pour moi c’est une violence
Que son jeune sang ruisselle
Mon désir en défaillance !
Plic ploc plic ploc
Alors, derrièr’ma fenêtre
Bien tard bien tard dans la nuit
J’écoute les pas d’ces êtres
Bien au-delà de minuit
Plic ploc plic ploc
J’écoute les pas moqueurs
De ces créatur’ de rêve
Qui martèlent à point d’heure
Le goudron et ça m’achève
Plic ploc plic ploc
Et ce bruit s’évanouit dans la nuit
Maman, maman je suis bien mal dans mon lit !
Me faudrait quatre ou cinq bières
Pour oser aller vers une
Une murge bien sévère
Ou encore, un mal de lune
Zut et zut et zut et flûte !
Quel est son tempérament ?
C’était une tendre pute
Chérissant chaque client
Voilà bien des mots étranges
Qui me harcèlent la nuit !
Sont-ils diables ? Sont-ils anges ?
Ah ! ce discours me poursuit
À quoi bon vous le transcrire
Sinon pour m’en délivrer
C’est ma raison de l’écrire
Il s’en va d’un pas léger
Spock nous dit de les brider
Ces mots qui vivent leur vie
Et qu’il faut les évincer
Ils outrepassent à l’envie
Vacances
Ce n’est pas que ça m’amuse
Savez-vous où est ma muse ?
Pas très loin de Syracuse
À Fontaine d’Aréthuse
Et, il n’y a pas maldonne
Sans remords ell’ m’abandonne
Prétendant, que chaque été
Lui échoit congé payé !
Oh ! non, vous savez, Français !
Mêm’ cell’ là, sont syndiquées
On aura tout vu, j’vous jure !
Pour moi, c’est d’la folie pure
Que vous embaumez !
Citronniers de ma Sicile
Ne puis qu’en rêver
Et des flots si bleus
Où se noya Polyphème
Et son œil soleil
Bêlez, mes brebis,
Faites sonner vos clarines
Aucun autre bruit
Le soleil lion flamboie et cuit
J’ai aimé un garnement
Qui ne valait pas un clou.
Aujourd’hui, je m’en repens :
N’en donnerais pas un sou.
Cette histoire est du vieux temps,
Ne fais pas ainsi, ma Fille
On peut vivre sans amant,
Sans souffrir, cœur en guenille…
Je vois bien : je perds mon temps.
Je perds mon temps, ma salive
T’en feras bien tout autant :
On n’enferme pas l’eau vive.
T’iras gaspiller ton cœur
C’est toujours même chanson :
On court faire son malheur
Chaque année, chaque saison.
Depuis que le pauvre monde,
Vire vire et vagabonde.
Le docteur C…., mon médecin traitant et ami que je consultai à ce propos, commença par me dire :
« D’abord, ne dormez jamais sur le côté gauche, on s’endort difficilement, ça comprime le cœur et donne des cauchemars, pour d’autres raisons, sur le côté droit, ce n’est pas très fameux non plus ! sur le ventre, cela accentue la cambrure des reins, sur le dos, c’est très bien, mais, à votre âge cela risque de vous faire tousser. »
Bon il me prescrit différentes pilules, différents sirops, point d’effet ! après plusieurs visites il finit par me dire : moi, j’ai un truc pour être sur d’avoir quelques bonnes heures de sommeil !
Allez vous asseoir au Sénat, vous verrez ! vous dormirez merveilleusement.