Flipote, c’était ma Mamie, Françoise Giojuzza. Elle
écrivait des poèmes pour son plaisir, qu’elle publiait les dernières
années de sa vie sur un site communautaire de poésie qu’elle avait
découvert, Ice Tea & Fluminis poèmes.
Au fil du temps, elle s’était fait des amis sur ce site, des amis
proches, avec qui elle échangeait sur la poésie et plein d’autres
sujets.
Quelques mois après sa mort, j’ai entrepris d’éditer ses poèmes sur un
nouveau site, afin d’avoir une typographie plus claire, et de
supprimer les poèmes en double et ceux dont elle n’était pas l’auteur
— mais qu’elle récitait de mémoire à l’attention de ses amis
d’Internet — tout en laissant intacts les poèmes originaux sur le
forum. Voici l’intégralité de sa prolifique production connue.

Sans peur je balance en ligne
Mes mots de mamie indigne.
Bien pis ! je persiste et signe.
Ros’ du mois de Mai
Quand mille ans auront passé,
Qui s’en souviendra ?
Ma fillette brune
Retiens ton enfance, un peu
Bel Avril en herbe
Viens sur mon index,
Petit messager du Ciel
Papillon-beau Temps
Matin de printemps,
Passe sur son vieux vélo
Monsieur le curé
Nuit de Juin s’achève,
« Pitié pour les solitaires »
Prie le petit coq
Et l’Éternel pleure :
Très ému, mais fataliste :
« Mais que puis-je y faire ? »
En été, la nuit
Se couche au bord des routes
Comme un grand chien très doux
Pour mon cher John qui les aime, et ma chère Orféo qui m’égratigne
Avec mes bisous
Mon bel oiseau noir,
Vois la cétoine qui sort
De la ros’ pour toi
Mon bel oiseau noir
Grand amateur de beauté
Tu l’as avalée
Petit feu de paille
Petit amour bien trop bref
Et puis c’est la nuit
Je n’ai plus de larmes
L’oiseau de nuit les a bues
Et voilà le jour
Coucou, mon coucou
La plainte au lointain m’attriste
Prince des voyous
Rêve étoilé, vite
File devant ma fenêtre
Tu n’es que fumée
Crac crac dans mon sac
Les amours les souvenirs
Et la lune sur le lac
Trois petits cadeaux
Trois petits « écoute s’il pleut »
Oui ! trois haikus
Jiaile et Tango,
Uliss’ le corse JB
Sont godelureaux
Ha ! ha ! c’est comm’ ça
Ne me fait jamais les cornes
Hi ! hi ! c’est fin !
Assez de vach’ries
Je suis triste maintenant
Tous les chats sont gris
Musette défunte
Ma douleur est violente
Viens contre mon ventre
J’en ai plein ma poche
Qui grelottent qui frelottent
En voulez-vous d’autres ?
Cerisier fleuri
Tu embellis la vie
Bonjour, mon ami
Forthysia fleurit
Un soleil dans le jardin
Entrez ! les oiseaux
Il nous en manque une
Sur la méditerranée
Peut être ell’ voyage
Petit à petit
Mon printemps, tu t’installes
Et mon chat sourit
Si si si ! si si !
Vous ne le connaissez pas !
Il sourit ! c’est vrai
Été ! lanc’ ton cœur !
Lanc’ le par dessus la haie
Ton cheval suivra !
Automn’ le vin jaillit
Goûte-le dans le bonheur
Mais, modérément !
Hiver ! Tu nous tues
Reprenons vie près du feu !
Attendons deux mois
Le printemps est là
Il chemine avec lenteur
Pourtant ! des bourgeons !
« Siffle, beau merle ! »
Des perles sont dans ton bec
Oublions la mort
Enfin la chaleur !
Vois les premières lucioles !
Étoiles tombées
Qui furète là ?
Une maman hérissonne
Avec deux petits
Le jardin s’endort
Des restes sont sur la table
Le chien les regarde
Les regarde longtemps,
Dans l’ombre, sans bruit, s’approche
Le chien de Monet
La chatte rentre
Son oreille est déchirée
Elle s’est battue
Mais voici la pluie
Oh ! le délicieux parfum
La lune sourit
Dormez les amis,
Laissez la fenêtre ouverte
La lune regarde.
Gouttes de rosée
Sur les toiles d’araignée
Cadeau du matin
Le soleil s’y glisse
Il vient habiter ces perles
Silence charmé
Le bourgeon s’émeut
Il dilate ses écailles
La nuit est finie
La brume se lève
Le brin d’herbe se redresse
Et tout reprend vie
Écoutez l’alouette
Car elle aussi a des perles
Dans son doux gosier
Sur toute la terre,
Le Vieux fait sa besogne
Ah ! total respect !
Hirondelle espoir
Hirondelle au dos tout noir
Te revoilà, belle !
Celui-là est traduit du grec ancien par madame Yourcenar. J’en ai fait un haïku.
Au nid de la pie
Par ce clair et beau jeudi
Trois petits pépient
Là-haut, qui a vu
Le vol des oies et des grues
Derrière la nue ?
Merle et son épouse
Ont fait des bébés tout noirs
Picotent la bouse !
Il faut bien chasser
Les merlots tendent leurs becs
Pas l’temps de muser
Petit père pinson
Prends bien garde au gros matou
Vois donc ! il te guette !
Petite mésange
Elle lui a tapé dans l’œil
Et c’n’est pas un ange
Tout épris d’amour
Fait son ténor d’opéra
Ah ! l’amour ! l’amour !
C’est le beau printemps
Le printemps de chaque année
Qui nettoie le temps