Flipote, c’était ma Mamie, Françoise Giojuzza. Elle
écrivait des poèmes pour son plaisir, qu’elle publiait les dernières
années de sa vie sur un site communautaire de poésie qu’elle avait
découvert, Ice Tea & Fluminis poèmes.
Au fil du temps, elle s’était fait des amis sur ce site, des amis
proches, avec qui elle échangeait sur la poésie et plein d’autres
sujets.
Quelques mois après sa mort, j’ai entrepris d’éditer ses poèmes sur un
nouveau site, afin d’avoir une typographie plus claire, et de
supprimer les poèmes en double et ceux dont elle n’était pas l’auteur
— mais qu’elle récitait de mémoire à l’attention de ses amis
d’Internet — tout en laissant intacts les poèmes originaux sur le
forum. Voici l’intégralité de sa prolifique production connue.
Sans peur je balance en ligne
Mes mots de mamie indigne.
Bien pis ! je persiste et signe.
Sauf Henri, le quatrième,
Ma tass’ de thé, c’est pas les rois.
Pourtant, y en avait un « que j’aime »,
Juan Carlos, roi d’Espagn’ je crois,
Il me semblait si sympathique,
D’avoir « couillonné » son mentor ;
Offrant la voie démocratique
À l’Espagne, pays en or.
Et puis voilà qu’il me déçoit,
Prêcher au peuple la « ceinture »,
Et sans vergogne, foi ni loi,
Gaspiller l’fric, triste nature,
Pour conn’ment, tirer l’éléphant.
Décidément, foin d’l’hypocrite,
Ça n’a vraiment rien d’élégant,
Comme l’aurait dit Démocrite,
Et puis enfin j’les ador, moi, les éléphants.
Autre vision du père Noël
L’matin du vingt-cinq Décembre
En traversant la cuisine
Qu’est tout à côté d’ma chambre,
Par la f’nêtre, chez la voisine,
Je la vois dans son jardin
S’la pétant comm’ « bar-tabac »
Rouler un landau d’satin
Tout garni de falbalas
Et dedans : poupée crâneuse
Tout le portrait de sa mère
Qu’est jamais qu’un’ vraie pisseuse
Qu’on mène à Saint-Exupère
La pension d’gosses-à-papa
Fronçant l’nez quand ell’ nous voit
Comm’ respirant du caca
Ni bonjour et ni bonsoir !
Et puis son couillon d’frangin
Que l’chauffeur emmène en ville
Dans sa veste en peau d’lapin
Vers le golf et les bourrins
Il sautait comme un pauv’ con
Sur un immens’ trampoline
Paraît qu’ça vaut plein d’pognon
Pas la corde des gamines !
Moi arrivé au sapin
Décoré par ma p’tit’ mère
J’vois un puzzl’ de trois fois rien
Et des billes pour mon frère
Les grands jouets, c’est pas pour nous
C’est pas pour notre maison
Chez nous jamais d’beaux joujoux
L’père Noël est un sal’ con
Sur un scénario de Jonas, un ex petit élève de CM 2, fraîchement arrivé du Bénin : c’est une histoire imaginée par lui, au Bénin. Voici son mini conte.
Jonas est un petit gamin
Il y a huit ans né au Bénin
Il travaille bien à l’école,
En plus du travail agricole !
Il travaille bien de ses mains
Et aussi très bien du « têteau » !
Et remâche jusqu’au lend’main
C’qu’il apprend le jour au tableau
Le maître a écrit l’autre jour
Que l’on déforestait bien trop
Y aura pas des arbres toujours
Si on les brûl’ tous au fourneau
Pourtant, faut que maman cuisine
Sinon on n’mangerait plus rien
Rien que des fruits et des racines
Ça, tout le monde le sait bien,
Mais Jonas a de bons amis
Et son meilleur, c’est l’éléphant
Et un jour le maître, il a dit
L’éléphant pète énormément !
Oui ! il en sort plein de méthane
Gaz qui brûl’ merveilleusement
Et tout en mangeant sa banane
Jonas y pense à chaque instant
En fourrant dans le trou de balle
De son grand copain l’éléphant
Un long tuyau à quatr’ cent balles
On pourrait bien aider maman
En reliant l’tuyau au feu
Où Maman cuisine le soir
On a besoin que du péteux
Vive l’éléphant de l’espoir
Il faudrait le récompenser
De sauver la grande forêt
On pourrait bien lui cuisiner
Un’ grande om’lette aux œufs frais
Idée considérable :
L’énergie renouv’lable !
Sur le rythme des haïkus, mais c’est tout sauf, des haïkus
Cher saxophone
Vieux copain de ma jeunesse
Te voilà aphone
Pour toujours, sans doute
Ah ! misère de misère
Faudrait que j’m’en foute
Mais, je ne peux pas
Souvenirs de ma jeunesse
Vous êtes bien là
Dormant au grenier,
Sans ton vieil étui de buis
Faut te reposer
Et puis moi avec
Vieille folle de Flipote
Ferme moi ton bec
La baroul’ ? finie
Le beau temps de l’insouciance
La jeunesse aussi
Tant pis
Dansons la gigue
C’est Verlaine qui l’a dit
Quand je serai grand
Je serai très vieux
Je serai galant
Et superstitieux
Quand un rendez-vous
J’aurai chez ma belle
Je passerai sous
Deux ou trois échelles
Partout, sur la table
Sauf dans la soupière
J’enverrai au diable
Toute la salière
Ou une heure avant
Dans la panetière
Mettrai en sifflant
Le pain à l’envers !
Ou plus sûr encore
Sept fois irai voir
Des chats noirs d’Hector
Noiraud, le plus noir
Quand douze coups, à minuit, sonnent
Lorsque baisse la lampe à huile
C’est l’heure où les morts téléphonent
L’heure ambiguë ; l’heure fragile
La standardiste est inconnue
Aux télécommunications
Sa voix se perd, sa voix émue
Interférences, hésitations
« Ne coupez pas mademoiselle ! »
Je ne vous entends plus très bien
Quels chuchotis, quelle dentelle
De parasites incertains !
L’heure est passée, il faut dormir
L’oreille reste sur sa faim
La nuit blanchit et va finir
De quoi rêver jusqu’à demain
L’aube va bientôt se lever
Il s’envole, mon lit bateau
Par la lucarne, on voit passer
Les anges blessés de Cocteau
Au doux pays d’enfance,
C’est terre d’espérance
La petite poule noire
Qu’allait pondre dans l’armoire
Un jour fut bien étonnée
Lorsqu’arriva son bébé
Des éclats d’coquill’ partout,
Et sortit un éléphant
De la taille d’un p’tit joujou
Un petit joujou d’un franc
D’une trompe minuscule
Il caressa la poulette
En disant : « maman, recule,
Je vais faire une omelette
Avec tes bons œufs du jour,
Pour fêter mon arrivée,
L’ai pour toi un grand amour
Je serai ton préféré »
Tout’ les poules ont dansé
Après s’être gavées d’om’lette
C’est ce que m’a raconté
Ma marraine Antoinette…