Enfance de fille

J’aimais besogner au jardin :
En manipulant la berouette,
Fair’ de gros bouquets d’lupins
Couper l’herbe à la serfouette,

Mettre un bonnet au p’tit lapin
Et le coincer dans la poussette,
Lui mettre un ruban d’satin,
En l’appelant : « ma poulette » !

Pis, fair’ péter des amorces
Derrièr’ le dos d’la chèr’ soeur ;
Tailler un p’tit sifflet d’écorce
Comme faisait le trimardeur,

Siffler une herbe entre deux pouces
Ou péter la bas’ des coucous,
Siffler, avec deux doigts en bouche :
C’était de peu coûteux joujoux !

Allumer des feux de Bengale
La nuit tombée, près de la fosse,
Écoutant crisser la cigale,
Se déguiser en Carabosse,

Faire sursauter la fermière
En détachant son tablier
En me faufilant par derrière
À pas de loup, pour l’embêter,

Mon Dieu ! ce n’était pas méchant !
D’ailleurs, ell’ se prêtait au jeu,
Criant plus qu’il n’était séant,
Et je n’y voyais que du feu,

On se fabriquait des chapeaux
De feuilles fraîches d’aubépine
D’épis de blé, d’coquelicots
D’cœurs-de-Marie, ou d’églantine,

On savait chanter des refrains
Qui faisaient honte à notr’ Mémère,
Avec des gars des p’tits vauriens
Les fils de la garde-barrière

L’enfance est un âge épatant !
Heureux qui l’garde jusqu’à cent ans