Le maître rentre à point d’heure
Trébuche et soudain s’abat
Sur le lit où Margot pleure
Son ventre collé au chat !
L’araignée file sa toile
Affamée de moucherons
Le grillon dessous le poêle
Fait : « cri-cri », douce chanson !
Sur l’oreiller de dentelle
La fille, dessous la couette
Rêve d’amour immortel
Elle est encore jeunette !
Les dernières cendres s’éteignent
La salle sent le feu qui meurt
Mais dehors, les étoiles règnent
Dort le champ, dort le tracteur
Tandis qu’en haut, sous les toits
Rêvent chouettes et souris
Et que grabottent les rats
Dans tout le grand grenier gris
Les vaches rêvent d’herbage
Où du prochain petit veau
D’un train dans le paysage
D’une pluie sur le coteau
Le cochon rêve élégance
D’être agile et bien moins gros
D’être doué pour la danse
Pour éblouir la Margot
Les escargots, au jardin
Glissent, glissent, quand tout dort
Et plus d’un fait le malin
Très fier d’être des deux bords !
Les chauv’ souris rentrées d’chasse
Sont pendues, la tête en bas
Usant d’leur sonar cocasse
Piège à cons, liège à bêtas !
Y a qu’dehors que ça vit
Ça s’agite et ça copule
Car la pleine lune agit
Sur ce monde minuscule
Au dedans, presque l’silence !
Chacun ronfle dans son lit
Aucune phosphorescence !
Consumée, chaque bougie
La mémé dort à côté
Là, bien sage dans son lit
Très fervente, elle a prié
Bien au-delà de minuit
Tous s’emploient à dormir
Pour oublier qu’on n’sait rien
Et que la mort fait frémir
Qu’on ne sait si c’est la fin
Mémé pense à son jeune âge
Se souvient d’avoir fauté
Mais le temps l’a rendue sage
Oui, le temps l’a bien calmée
Alors elle se demande
Comment donc c’est arrivé
Prend un’ tit’ liqueur d’amande
Pour oublier son péché
Et, très vite, elle s’endort
Sûre d’être pardonnée
Avec douceur, ell’ s’endort
« Benaise » et réconfortée