Je suis né par temps d’orage,
Tout p’tit ma mère m’a pondu,
Ils dis’ tous dans le village
Que j’suis pas bien « avoindu »
J’suis pas fort au labourage,
Et j’ai l’pied un peu tordu
J’suis just’ bon, au pâturage
À m’asseoir sous l’chên’ moussu.
J’suis bon qu’à jouer d’la flûte :
Paraît qu’jai un joli son,
Mais tout’ l’mond’ me persécute
Et me traite par des noms.
« La flût’, c’est pas un métier ! »
Qu’il me gueul’ toujours mon père.
Y a guèr’ pour me consoler
Que ma grand’mère et ma mère.
Encor’ font ça en cachette
Comme si c’était ben honteux
De cajoler un’ mauviette
Pas foutue de m’ner les bœufs.
Au villag’, y a qu’ des maîtr’ gars !
Moi j’voudrais bien êtr’ comme eux
Ouais, j’voudrais bien être comm’ ça !
Mais c’est y ma faut’ bon Dieu ?
Y a qu’Louison qui me sourit
Quand qu’a passe avec ses oies
Dans son beau tablier gris
Y a qu’ell’ qu’a un mot pour moi.
C’est la fille d’un gros fermier
Qu’a besoin que de forts bras
Aux moissons, et pour curer
Les étangs qu’il a plus bas…
Heureus’ment que j’ai ma flûte
Y a person’ qui m’la prendra !
Et à tous je leur dis : « Zut ! »
Tout en y soufflant tout bas.
Dimanch’ va y avoir la fête:
Des manèges, du vin blanc
D’la gross’ caisse et des trompettes,
Pis un bal, près de l’étang.
Dimanch’ moi, j’reste au plumard
Bien au chaud en d’ssous des draps.
J’aurai pas Louison plus tard…
Oui, mais j’s’rai jamais soldat.