Ses mains

Mon Dieu ! mon Dieu ! que j’aime donc tes mains !
Vois tu, mon vieil amour ; je les baiserais bien !
Si je n’avais, ce soir, la crainte assurée
De passer, en famill’ pour un’ vieille piquée.

Le chiffre de nos ans approche quatre vingts ;
Allons-nous nous remettre à valser, mazurker ?
Et allons-nous sombrer dans le stupre et le vin ?
Adieu, tendre rumba ! Adieu, la chaloupée.

Non, ce n’est pas, vois-tu, un retour de jeunesse
Qui me jette, ce soir, vers tes très vieilles mains
Abîmées, noueuses, et pleines de rudesse
Pour avoir tant pressé, au rabot, le sapin.

Cinquante ans sur les toits ; ou bien à l’atelier !
Dans l’odeur des copeaux, de la poussière fine
Qui te poudrait les mains et ton vieux tablier
Se collant à la sueur de ton front qui s’incline

Attentif et précis, parfois un peu colère,
Contre les nœuds du bois et la douleur des reins
Que tu me semblais beau, mon bien-aimé p’tit père,
Jusqu’au jour où ferma ton atelier, en Juin.

Ah ! oui ! décidément, je te baise les mains.

Je l’ai ressorti, ce vieux poème d’amour pour mon François, pour le groupe des nouveaux et aussi pour exprimer mon désarroi actuel et mon manque.