Quarante quatre

Nostalgie de l’an quarante, poème drôle, pour nous, les enfants oui malgré tout.

Ne m’parlez plus d’la Seine
De son quai morne et gris
J’y ai eu de la peine
Dans ce grand vieux Paris

Rendez-moi donc la Loire
La Loir’ de mes dix ans,
C’était l’bon temps faut croire
Que je l’regrette tant !

La Loir’ du temps d’la guerre,
Que nous n’savions qu’un peu
D’la mort si familière
Et des torrents de feu !

Car c’était rigolo
Descendr’dans les tranchées
Les bonn’ gens, l’populo
Récitaient des « ave »

On allait à l’école,
En petits pointillés
On faisait les marioles
Et la nique aux frisés !

Et les bombes sur la gueule !
Et les rutabagas !
Les bisous dans la meule
À l’insu des papas !

Ça n’allait pas bien loin
Nos cœurs hissaient les voiles
Et le dos dans le foin
On buvait les étoiles

Rendez-moi cette Loire
Où l’on rigolait tant !
C’était l’bon temps, faut croire
Qu’on le regrette tant !

Dans les tranchées nous descendions, toute la classe, avec la maîtresse, à chaque bombardement, et là, sans aucune pitié, elle nous faisait revoir les tables de multiplication !
De grosses dames émotives étaient là, aussi, avec leurs seaux hygièniques et puis presque tous priaient quand passaient sur nos têtes de longues files de bombardiers ricains, et plus ça se rapprochait et plus les gens priaient vite et fort, on trouvait ça tordant !