P’tit Jésus de mon enfance
D’après sœur Sainte Émerance
Tous les jours, décrit, conté
Imag’ liss’, visag’ sucré
Petit chéri de la chèr’ sœur !
Jeun’ teigneux : un punisseur !
Si j’bousculais un peu Lolotte
Ou si je copiais sur Charlotte,
Qu’peu après j’gliss’ sus l’gazon,
Que dans l’café, j’m’brûl’ le menton :
« C’est Jésus qui t’a puni ! »
Clamait-elle, visage réjoui !
« Comprenez vous », nous disait-elle,
« Chaque fois, laide enfant, que vous fait’ un péché,
C’est une autre fois qu’Il est crucifié
Vous giflez le Seigneur, vous Le mettez en croix
Et vous Le torturez une nouvelle fois
Dans Ses mains, Son côté, Ses pieds et Ses genoux
Encore une fois, encor’ vous enfoncez les clous ! »
Alors combien de fois ai-je pleuré au lit.
De L’avoir à mon tour ensanglanté ainsi !
Il m’a fallu bien des années, bien des années
Beaucoup de temps, Te cherchant à tâtons
Lisant et relisant Tes hautes paraboles
Pour Te trouver, mon maître
Mon seigneur et mon Dieu
Toi qui ne savais que guérir, libérer !
Marcher sur les chemins pour toujours partager
Multiplier les pains pour tous les affamés,
Fair’ boire à la fontaine une femme altérée
Et d’un bout à l’autre de Ta si brève vie
Rétablir, redresser, pardonner,
Laver c’qu’était sali, r’dresser l’herbe brisée
Face aux clercs de tout temple, à jamais opposé
Finir en croix pour avoir trop aimé…
Oh ! Sœur Sainte Émerance,
Je n’te pardonne pas
De nous avoir caché la face de ce dieu
De nous avoir volé la très sainte espérance,
En grimant le Seigneur en Maître de Vengeance !