Petite prose paysage

P P P
Si j’étais artiste peintre, assise sur mon pliant au milieu des champs, je vous offrirais ma Beauce.
D’abord, voyez-vous, épurée, essentielle, la ligne d’horizon assez près du bas de la feuille…
Entre cette ligne, imperceptiblement courbe, et le « Sud » de la feuille, divers prés et champs, blés dorés, seigles mobiles habités par le vent, les taches jaunes d’or des colzas…

Deux ou trois bouquets d’arbres minables, insolite
une route où passent parfois un tracteur ou un paysan assis, jambes pendantes
sur le côté, sur son gros et doux percheron…

Un lièvre qui détale en zigzag dans un champ,
Loin, sur la ligne d’horizon, un groupe de cinq ou si fermes comme des poussins près de la mère église… un village, si pur, si intemporel, figé dans le temps, et surtout, surtout le ciel qui emplit presque toute la feuille…

Le ciel, acteur principal, est immense, sous une vaste coupe retournée sur la terre et qui semble un océan où se meuvent avec lenteur de longues vagues mousseuses d’écume transpercées d’éclats de soleil, parallèles, qui avancent nacrées et grises, à la fois géantes et légères, en silence, avec douceur, depuis l’horizon, minimaliste
et jusqu’au zénith, si loin de nos têtes,
voilà le paysage, semblable à mon cœur, pour vous tous