Paris la nuit

Que j’aime donc Paris la nuit
Quand la pluie tombe à petit bruit,
Sur les trottoirs,
Parfaits miroirs,
Sous les lumières
De réverbères…
Là, je divague,
Et j’extravague,
D’un pas dansant,
En ricochant
De petit bar
En petit bar
Prenant garde
En évitant les malabars,
En enjambant le caniveau
En contournant la flaque d’eau…
Au lieu d’être seul dans mon lit,
Moi qu’le destin toujours trahit !
Au lieu d’être seul au dodo,
Quel refuge : un bon caboulot,
Ou après deux ou trois demis,
On n’a que de très bons amis !
C’est la chaleur des « traîne-misère »,
Des bons-à-rien, ceux d’la galère,
Du vrai loser, du solitaire ;
À qui dira le plus d’conneries,
Pour oublier un peu nos vies.

Mais de conneries en conneries,
On dépass’ de beaucoup minuit.
Quatre heures sonn’ à St Merri !
Déjà, dehors, le ciel pâlit…
Le patron, qu’est pourtant gentil,
Nous pouss’ du côté d’la sortie.
Alors, au p’tit matin d’hiver,
Nous revoilà tous en enfer,
Adieu lumière, adieu les d’mis :
La belle soirée est finie.

Bientôt bouge le vieux Paris,
Avec des gens tout gris, tout gris,
L’air ensuqués, tout endormis
Pressés, pressées, blancs et transis,
L’boulanger s’affaire au fournil,
Les gars des Halles : le cafouillis,
Autour de leurs camions pourris
Et puis de clameurs et des cris

Y a plus d’trottoirs,
Plus de miroirs,
Plus de lumières,
Ni d’réverbères,
Ni sortilège, ni magie
Les copains se sont évanouis,
Dans la brume des fins de nuit.
Y a plus d’amis, y a plus d’amis,
Voilà pourquoi moi, je vous l’dis :
Je suis une bête de la nuit