Mort lente…

Après une visite

Ah ! quel pesant manteau nous fait la solitude
Quand on cesse de rire et savoir faire rire !
Chaque heure se fait longue et chaque instant si rude
Qu’on moisit doucement, même oubliant de lire,

La chaleur et la vie nous laissent peu à peu,
Le tic tac de l’horloge est seule compagnie,
Et plus rien n’a de goût : on n’allume aucun feu,
On mange ce qu’on trouve, rien ne fait plus envie

Même les souvenirs vous échappent parfois,
Ou perdent le goût qui nous aidait à vivre
Nous oublions dehors, et les champs et les bois,
Et sans jamais rien boire, on est à peu près ivre,

Ivre de vide atroce, on s’éteint doucement,
Dans un silence lourd, tel celui du tombeau,
Et il ne passe rien, dans cet effacement
Ni le pas d’un matou, ni le chant d’un moineau

N’oublie pas, bon voisin, qui, non loin de lui, gîte,
Cet homme très âgé, qui se meurt, sans visite