La rouquine

J’aimais son odeur de rousse !
J’l’ai couchée sur le gazon…
Aaaah ! que sa peau était douce
Et que son cou sentait bon !

J’pensais pas en fair’ grand chose:
Ni au curé, ni au maire :
Juste un’ petit’ fleur de rose
Avant de fair’ militaire…

Elle était bien un peu sotte,
À pein’ savait-ell’ parler
Et ne portait pas d’culotte,
Facile à déshabiller !

C’tait aux jours de juillet
Tout juste après la moisson !…
J’étais un peu éméché
Et ell’ savait pas dire non

Mais voilà qu’pour la vendange
Lui poussait un p’tit bedon.
Je n’suis pas vraiment un ange,
Mais j’suis pas mauvais garçon.

Alors je m’suis dit comme ça :
A va m’faire une tite gamine
Peut-être un beau p’tit gars.
C’t’affair’ là me turlupine !

J’peux pas la laisser brailler,
Et la moquer tout l’canton !
C’te pauvre gosse « embarrassée »
Comme on dit à notre façon…

J’m’y suis pris comme un couillon !

Aussi j’lai m’née à l’église,
Tout en blanc, en fin d’été.
Et voulez vous que j’vous dise ?
Je n’l’ai jamais regretté.

Elle tient bien son ménage
C’est une très bonne maman !
Avec le temps et l’usage
Je suis dev’nu… son amant

On n’l’entend pas c’te Lolotte,
Elle est toujours pas parleuse
Elle est même un peu berlotte.
Bah ! C’est mieux qu’une allumeuse !

Les années passent, légères,
Notr’ vie ? C’est comme partout
Pis ya Jean et Bérengère
Qui eux, sont bavards comm’ tout

Notr’ maison en vaut une autre :
Faut jamais rien regretter
La vie d’un princ’ vaut la nôtre.
La rouquin’ sait cuisiner.

J’la croyais un peu sossotte
Ce n’était qu’une poupée
L’amour, sus ses ch’veux carotte
A mis un reflet doré.