La fuite amoureuse

Chez moi, j’aime un beau garçon,
De tous, le plus gros « Mossieu »,
C’est le fils de notr’ baron.
Moi, fille sans feu ni lieu

Je l’mettrais bien sous ma couette,
J’en ferais bien mon galant !
Mais fille bien trop pauvrette
Ne trouve jamais d’« amant »…

Jamais, n’eus de parentèle*,
J’sers au Mesnil de l’Oison:
On me dit la « trovatelle »,
Ramassée au portillon.

Aussi vous pouvez comprendre,
Et je l’comprends bien, pardi !
Que j’ai plus de chanc’ de m’pendre
Que de l’avoir pour mari.

Aussi, j’ai fait mon bagage,
Et me v’là sur la grand’route…
C’est le mieux, c’est le plus sage:
Ce gars, j’l’oublierai, sans doute

Je m’en vais en Amérique,
Me placer, comm’ bonn’ d’enfant,
En Guad’loupe ou Martinique,
Pourvu que j’voie pus l’Armand

Son beau rire, ses yeux de braise
Et puis ses grand abatis,
Où je s’rais si bien à l’aise,
Si j’étais née à Paris

Bien él’vée, propre et gentille
En Hôtel particulier
Au lieu d’être pauvre fille,
La bâtarde d’un roulier…

Parentèle = famille
Trovatelle = enfant trouvé : mot utilisé dans le midi de la France et en Italie… Au portillon car on déposait l’enfant abandonné dans une corbeille tournante ou portillon d’une église ; on les appelait méchamment: bâtards en France et on ne les baptisait que la nuit tombée, à la sauvette (c’est du propre !)
En Italie en revanche, on les appelait : « esposito » qui a donné un nom de famille très répandu. On les appelait encore plus joliment : « Les enfants de la Madone »
Ah tendresse napolitaine !
Amant = dans le sens de prétendant
Une fille « propre » signifie dans les chansons « bien habillée »