La chérie du bourlingueur

Je t’ai aimée dans mon printemps
Plus que la brune et que la blonde
Mon bel amour : Rose des vents
Tu m’as tiré au bout du monde.

J’ai aimé la rose des vents,
La sirène du grand navire
J’ai aimé la rose des vents
Et le vent du Sud qui soupire

L’odeur de mer, l’odeur du vent
Qui m’éveillait par la fenêtre :
L’odeur de curry et d’encens
L’odeur de fuel et de salpêtre

Adieu la belle, adieu ma brune
Adieu chérie, adieu ma blonde
Sous le soleil et sous la lune
J’ai fait vingt fois le tour du monde

Et me voici vieux et perclus
Seul comme un chien sur le rivage,
Clochant, bancroche et vermoulu
Sans le souvenir d’un visage

Qui me tienne un peu compagnie
Dans mon vieux temps, dans mon vieil âge
Au-dessus des poissons, ma vie
A bourlingué au bastingage

Je tire ma pipe d’ébène,
Elle brouille le paysage
Brouille ma vue, brouille ma peine,
Trop tard, je suis devenu sage !

Tu me laisses sur le rivage
Rose des vents, belle traîtresse
Le vieux, ce n’est plus de son âge
Garce, salope ! ô ma maîtresse…