Habite chez moi dame au très charmant sourire
Jeune épouse ou fille en attente
D’un beau mari qui la contente
Ça, je ne saurais vous le dire
Elle vit sur le mur de la chambre où je dors
C’est un portrait de bell’ vêtue en rob’ de bal
De soie vert pistache, bouillonnés et ruchés
Jolies épaules nues en bouteill’ Saint-Galmier !
Mon père l’appelait : « Lucie de Pracontal »
Un bandeau de cheveux noirs, un petit air mutin,
Elle a un doux visage et deux beaux yeux de biche
Sombres et expressifs
Une carnation riche
Une bouche petite, un sourire enfantin
Et dans ses macarons joliment repliés
De rouges fleurs de grenadier
Bref, depuis bien des années je suis accoutumée d’elle
Je la vois tout le jour, plusieurs fois le jour !
Je ne me lasse point de son sein fait au tour
De sa grâce innocente de jeune demoiselle !
L’autre nuit éveillée vers la pointe du jour
Je me levai, pour m’aller un peu désaltérer
Quand je passai près d’elle, joli comme un amour
Là, j’eus, il faut le dire une étrange surprise
Car je vis à son cou, fait de rose et de neige
Petit cœur de rubis sur sa chaînette d’or
Elle me regarda, comme pris’ dans un piège
Et la première fois, abaissant ses paupières
Me cacha ses beaux yeux, animés et brillants
Avec demi sourir’ dessus ses tendres lèvres
Comme qui aurait pris d’insolites fièvres
Ce que j’ai vu, je l’ai vu
Car ce n’était point la berlue !
Aujourd’hui l’ordre est revenu
Je ne vois plus que son cou nu
Mais où donc s’en fut-elle allée
Armée de sa fière beauté,
Exquis’ dans sa robe de bal
Mademoisell’ de Pracontal ?