Jean et Jean

Heureux le mage fou, le roi dépossédé
Lorsque souffle sur lui le vent qui vient du Nord
Il divague sans bruit dans l’âpre froid qui mord,
Un sang doré suinte à son grand front blessé.
Son chant se perd un peu dans la brume d’automne
La noble solitude lui fait une couronne
Il est roi de la lune et du ciel constellé
Et le fleuve, grand chien, va lui lécher les pieds
Il cherche quelque fois à quitter notre monde
Il s’évade, furtif, de la machine ronde
Désenchanté du pain, de la vie et du sort
Il brise le miroir où va et vient la mort

C’est par un soir d’hiver, ou au petit matin,
Que, lassé d’être seul, s’envola le Poète
Ami d’anges bossus qui lui font un cortège
Saint Blaise aux simples va, avance sur la neige
Et ses pas lumineux lui tracent le chemin

Joue à joue, il l’étreint
Comme un frère jumeau
Tendre reflet dans l’eau
Double au double cousu
Si longtemps attendu
Juste à l’angle en biseau
De la glace sans tain.