Encore l’enfance

Le jour de mes sept ans, je reçus cette « affaire »
Si longtemps convoitée, des mains de ma Mémère :
Des lunett’ de soleil, à la Linda Mauclaire
La « star » de cinéma, nativ’ de Cavalaire

C’était la pré-Bardot, icôn’ de toutes les filles,
Au chic d’avant-garde (fesses à roulement à billes !)
Et que nous rêvions toutes d’un jour éclipser
Et ses lunettes noir’ c’était le fin « bouquet »

Du vrai chic estival avec de faux brillants
Incrustés dans les bords, détails étincelants
C’était touche final’ d’la suprême élégance
Chez les « bêtes de scène » de Navarre et de France

Pour achever la joie de c’te belle journée,
J’allai, en sautillant, voir avec la « Manon »
L’unique « Forêt des singes », sanctuaire des gibbons,
Dont s’enorgueillit l’Alsac’, province bien aimée

À peine étais-je entrée dans le charmant sous-bois,
Ô funeste pulsion, qu’un voyou d’ouistiti,
Du haut d’l’arbre feuillu, dégringola plus bas,
M’arracha, sans façons, mes lunett’ dernier cri

Avec impolitesse, oui ! il m’les enleva
Et le temps d’un clin d’œil, se les appropria,
Puis disparut, très haut en souples enjambées
Dans le mystère vert de haute canopée