Douze ans, à Constantine

D’après les souvenirs d’un jeune ami pied noir de vingt-deux ans, Antonio

Je faisais la méridienne
Sur le carreau de cuisine
Auprès de ma bonne chienne
C’tait l’été, à Constantine

Dehors ? un brûlant brasier
Derrière les persiennes closes
Tête sur un oreiller
Au frais, loin de toutes choses

Et, j’entendais vaguement
Mère et sœur, à la vaisselle
Ell’ chantonnaient doucement
Évitant que je n’m’éveille

Là, je m’envolais très haut
Sur mon beau tapis volant
Le songe était mon vaisseau
Bien au d’ssus de l’océan

Les vagues me soulevaient
Des poissons sautaient bien haut
Et les embruns me grisaient
Et ruisselait mon chapeau !

Ah ! le bon, le joli temps
Aussi doux que fraîche bouche
Que, furtivement je pris
À petit’ Marie-qui-louche

Où es-tu, petite belle
Oui ! toi qui fut ma voisine
Au corsage de dentelle
C’t été là, à Constantine ?

Marie avait une petite coquetterie dans le regard, mais moi j’la trouvais quand même jolie, si rieuse, si douce et si mignonne.