Autrefois, au lavoir

En besognant au vieux lavoir
Battez, les fill’, battez les draps !
Mais la manière, il faut l’avoir,
Frottez moi ça du haut en bas !

Lavez aussi vos bas de laine !
La bell’ne te retourne pas !
Il n’y a pas d’amour sans peine
De l’huil’ de coude ! frotte tes bas !

Ils peuvent bien rôder là-bas,
Les grands gars de Mortefontaine
Mamie, ne te retourne pas !
Souvent l’amour est une chaîne !

Lave tes jupes de futaine
Essore jusqu’au dernier drap
N’écoute les calembredaines
De ces menteurs, de ces fadas

Ils n’en veulent qu’au pucelage
Des lavandières de chez nous
Ne leur fais jamais bon visage
Courbée sur l’herbe à deux genoux

Le meilleur ne vaut pas grand chose
Fais ta lessive jusqu’au soir
Garde-toi bien, garde ta rose
L’amour est un roman bien noir !

Ils rêvent de te mettre en cage
Pour mieux courir le guilledou !
Lavandière, tu es en nage
Ne le prends pas, le billet doux !

Il va faire froid au retour
Ne va pas « ramasser » la Mort !
Chante et travaille au jour le jour
C’est là ton lot, c’est là ton sort

Chante la belle, à rendre sourds
Ces propre-à-rien, ces fins menteurs
Les reins brisés et les doigts gourds
Protège toi, mon petit cœur,

Aller toujours à la rivière,
Telle est la vie sans espérance
Telle est la vie de lavandière
Jamais ne fut reine de France !