Jardin d’amour

Dans ton charmant jardin clos
Croît le mai, la passerose
J’y ai perdu le repos
Mais pour l’avouer, je n’ose

J’aime mieux ne rien te dire
J’aime mieux te regarder
J’aurais trop peur de ton rire,
De voir mon rêve filer

Tu m’as ébloui, voisine
Depuis ta dixième année
Je te voudrais pour cousine
Pour jumelle, pour fiancée

Aussi je marche, en silence
A trois pas à tes côtés
Dans ce vieux jardin de France
Où vient l’iris et l’œillet

Chantez, pinson, rouge gorge
Pour le nigaud que voilà
Car ils restent dans ma gorge
Ces mots que je dis tout bas

Quand dormirons toi et moi
Sous la terre du village
Se souviendront de l’émoi
De mon cœur timide et sage

Les herbes de ton jardin
Qui sauront le murmurer
Dans la rosée du matin
À l’ombre du vieux pommier

Ce que j’endure de pire
Ils sauront le raconter
Les vents iront le redire
Aux plus lointains amandiers

Car un poète l’a dit :
Lorsqu’en a passé le temps
Les mots d’amour jamais dits
Sont chuchotés au printemps

Par lilas, roses trémières
Graminées des bois dormants
Et ronciers nourris en terre
Des corps des pauvres amants